« Tous les écrivains sacrés disent la même chose. » Louis-Claude de Saint-Martin, L'Homme de désir, § 120.
Saint-Martin défendait la même vision que Guénon d'une tradition universelle. En effet, tous les éléments de la doctrine de la Tradition primordiale se retrouvent explicitement chez Saint-Martin, notamment dans son Tableau naturel des rapports qui unissent Dieu, l’Homme et l’univers. On peut même dire que Guénon se montre le digne disciple de Saint-Martin, précisément dans sa doctrine de la Tradition primordiale. Qu'on en juge par les passages suivants du Philosophe Inconnu !
« Les richesses littéraires de l'Asie viendront aussi à leur secours [des Européens]. Quand ils verront les nombreux trésors que la littérature indienne commence à nous offrir ; quand ils parcourront tout ce que nous promettent les recherches asiatiques de la société de Calcutta ; le Mahabharata, recueil de seize poèmes épiques, contenant 100 000 stances sur la mythologie, la religion et la morale des Indiens, et sur leur histoire ; (...) ils pourront être frappés des rapports qu'ils apercevront entre les opinions orientales et celles de l'occident sur les points les plus importants. Les uns pourront chercher dans cette mine les correspondances des langues par les alphabets, les inscriptions et les monuments. Les autres pourront y apercevoir les bases de toute la théogonie fabuleuse des Égyptiens, des Grecs et des Romains. D'autres enfin y trouveront surtout des similitudes frappantes avec tous les dogmes publiés depuis quelques siècles par les divers spiritualistes de l'Europe, qu'ils ne soupçonneront pas d'avoir été les apprendre dans l'Inde. Mes écrits alors leur paraîtront probablement moins obscurs et moins repoussants, puisqu'ils y découvriront ces mêmes dogmes répandus dans des lieux si distants, et à des époques si éloignées les unes des autres. »
Louis-Claude de Saint-Martin, Le Ministère de l'Homme-esprit, Introduction
« L'homme, son origine, sa fin, la loi qui doit le conduire à son terme, les causes qui l'en tiennent éloigné, enfin la Science de l'homme, inséparablement liée à celle du Premier de tous les Principes, voilà les objets que les Auteurs des Traditions primitives ont voulu peindre ; voilà ce qui peut seul ennoblir et justifier leurs symboles : voilà le seul type digne de leurs emblèmes ; parce qu'ici le type est supérieur à l'allégorie, quoique l'allégorie convienne parfaitement au type.
En effet, il n'est point d'homme instruit de sa vraie nature, qui, s'il cherche à pénétrer le sens des Traditions mythologiques, n'y aperçoive avec une espèce d'admiration les symboles des faits les plus importants pour l'espèce humaine et les plus analogues à lui-même. (…)
De simples rapports entre les différents traits de la Mythologie et l'histoire de l'homme ne nous montreraient point une Science assez ample ni assez certaine, si nous n'élevions notre pensée jusqu'à leur origine [soit une « tradition primordiale » comme le dit Guénon]. (…)
Chez les anciens Peuples, les traditions parlent d'un âge d'or ; de Géants ; de Titans ; de l'usurpation du feu céleste et du trône de la Divinité ; de la colère du père des Dieux contre les prévaricateurs ; des divers pâtiments que ceux-ci éprouvent sur la Terre et dans les différentes Régions de l'Univers ; des vertus répandues sur les mortels pieux et fidèles, à qui les Divinités même accordent leurs faveurs ; et de l'espoir qu'elles les admettront à des félicités plus grandes encore, s'ils observent la loi de leur Principe, et qu'ils sachent respecter leur Être.
On ne doit point être étonné que ces traditions et ces doctrines soient universelles, parce que dans l'origine elles formèrent le fonds des dépôts historiques de tous les Peuples. (…)
Quoique les Sages instruits par les vertus supérieures, et les Disciples instruits par les Sages, aient obtenu essentiellement les mêmes connaissances et les mêmes résultats, ils n'ont cependant reçu chacun les grandes lumières et les grands traits de l'Histoire universelle de l'homme, que sous les signes et les tableaux qui leur étaient particulièrement analogues ; parce que s'il est vrai que tous les hommes aient le même Être quant à l'essence, ils est aussi certain qu'il y a parmi eux une variété universelle de dons, de facultés, de manière de saisir les objets ; et la Sagesse en envoyant physiquement aux hommes ses présents, se prête toujours à ces différences. Ces Sages et ces Disciples, en communiquant les mêmes choses, ne l'auront donc fait chacun que conformément à l'idée que leurs dons particuliers leur permettaient d'en prendre.
De là résulte la variété infinie qu'on aperçoit dans tous ces récits parmi les différents Peuples de la Terre quoique le fonds des vérités y soit généralement uniforme. »
Saint-Martin, Tableau naturel, XI (nous soulignons)
« Toutes les allégories qu'on vient de voir, suffisent pour nous convaincre qu'à commencer à la première origine des choses temporelles, les Traditions mythologiques présentent à l'homme une foule d'images fidèles de tous les faits passés, présents et futurs qui doivent l'intéresser : qu'il peut y voir l'histoire de l'Univers matériel et immatériel, la sienne propre, c'est-à-dire, le tableau de sa splendeur originelle, celui de sa dégradation, et celui des moyens qui ont été employés pour le réhabiliter dans ses droits. (…)
On ne peut s'empêcher de reconnaître que la Mythologie primitive fut hiéroglyphique et symbolique ; c'est-à-dire qu'elle a renfermé les vérités les plus importantes pour l'homme ; et tellement nécessaires, qu'elles n'en existeraient pas moins, quand ni les Fables, ni aucune espèce de Tradition ne nous les aurait retracées. (…)
La Théogonie, la Cosmogonie et les Doctrines religieuses des anciens Peuples, ayant eu un Principe et un but commun à toute l'espèce humaine, doivent nous présenter les mêmes tableaux et les mêmes vérités. En effet, ouvrons le Shastah des Gentous, le Zend-à-Vesta des Parsis, l'Edda des Islandais, le Chon-King et l'Y-King des Chinois ; en un mot, consultons les Traditions sacrées de tous les Peuples de la Terre, nous ne craignons pas d'assurer qu'on y reconnaîtra aisément l'homme ancien, présent et futur, ainsi que l'expression naturelle de ses besoins et de ses idées ; parce que l'homme étant un Être de tous les temps et de tous les lieux, ne peut avoir partout que les mêmes besoins et les mêmes idées. »
Saint-Martin, Tableau naturel, XI
« Nous suivrions les traces de ces vérités [chrétiennes] dans toutes les Institutions religieuses ; et loin que la variété de ces Inscriptions dût nous faire douter de la base sur laquelle elles reposent, nous rectifierons par la connaissance de cette base, tout ce qu'elles peuvent avoir de défectueux ; c'est-à-dire, que nous rallierions dans notre pensée ces vérités éparses, mais impérissables, qui percent au travers de toutes les Doctrines et de toutes les Sectes de l'Univers. »
Saint-Martin, Tableau naturel, XX (nous soulignons)